Je t’aime de mon œil unique, je te lorgne
Ainsi qu’un chinois l’opium:
Je t’aime de mon amour borgne,
Fille aussi blanche qu’un arum.
Je veux tes paupières de bistre,
Et ta voix plus lente qu’un sistre;
Je t’aime de mon œil sinistre
Où luit la colère du rhum.
Je te suis du regard, lubrique comme un singe,
Ivre comme un ballon sans lest.
Ton âme incertaine de Sphinge
Flotte entre le zist et le zest.
Et je halette vers l’amorce
Des seins vibrants, du souple torse
Où la grâce épouse la force,
Et des yeux verts comme l’ouest.
Ton visage s’estompe à travers les courtines;
Et tu médites, un fruit sec
Entre tes lèvres florentines
Où s’apaise un sourire grec.
Je meurs de tes paroles brèves…
Je veux que de tes dents tu crèves
Mon œil où se brouillent les rêves,
Comme un ara, d’un coup de bec.
Ainsi qu’un chinois l’opium:
Je t’aime de mon amour borgne,
Fille aussi blanche qu’un arum.
Je veux tes paupières de bistre,
Et ta voix plus lente qu’un sistre;
Je t’aime de mon œil sinistre
Où luit la colère du rhum.
Je te suis du regard, lubrique comme un singe,
Ivre comme un ballon sans lest.
Ton âme incertaine de Sphinge
Flotte entre le zist et le zest.
Et je halette vers l’amorce
Des seins vibrants, du souple torse
Où la grâce épouse la force,
Et des yeux verts comme l’ouest.
Ton visage s’estompe à travers les courtines;
Et tu médites, un fruit sec
Entre tes lèvres florentines
Où s’apaise un sourire grec.
Je meurs de tes paroles brèves…
Je veux que de tes dents tu crèves
Mon œil où se brouillent les rêves,
Comme un ara, d’un coup de bec.
© Renée Vivien
in À l'heure des mains jointes (1906)
in À l'heure des mains jointes (1906)