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Je bénirai l'heure...

Jean Auvray
Je bénirai l'heure et le jour
Que je fus à l'amour conforme,
Celui qui languit sans amour
Est un corps privé de sa forme
 

[Refrain]

Ô dieu quel grand contentement !
Je meurs y pensant seulement.
L'âme influe au corps ses accords,
L'âme l'amour de vie enflamme,
Car l'âme est la forme du corps,
Et l'amour la forme de l'âme,
Ô dieu, quel grand contentement !
 

Mon servage m'est si plaisant

Et ma prison si agréable,
Que celui qui en est exempt
Je le répute misérable,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

Dès que le trait d'amour eut point

Mon coeur d'une plaie profonde,
J'ai toujours dit qu'il n'était point
Un plus doux paradis au monde,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

Soit que ma langue au bout glissant,

La lévre de Marthe rabaise,
Ou que goulu j'aille suçant
De son sein l'une et l'autre fraise,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

Soit que d'un branle brusque et prompt,

Au combat d'amour je l'anime,
Ou qu'en l'ivoire de son front,
Cent douces morsures j'imprime,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

Quand la folâtre se pâmant,

En l'aise extrème qui l'emporte
Me dit d'un langage charmant,
Ô mon doux ami je suis morte,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

Quand de même plaisir charmé,

Je reste sans pouls et sans âme,
Et que j'appan* mon coeur pâmé,
Pour trophée au sein de madame,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

Quand nous ramassons peu à peu

Notre âme au plaisir égarée
Pour r'allumer un second feu
De l'étincelle demeurée,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

En fin recommençant toujours,

Notre aise alors quelle est finie,
Infinis rendons nos amours,
Comme leur cause est infinie,
 

[Refrain]

Ô dieu, etc...
 

* jète

in Amourettes - Le Banquet des muses (1623)