Le colonel et ses cinq filles
Au bain s'en vont tous les mardis
Des dix menottes qui l'étrillent
Le vieux sort tout ragaillardi.
Les fesses de Nadège
Sont deux boules de neige,
Le nombril de Nadine
Frémit ainsi qu'une clarine ;
Au ventre nacré de Sophie
Se mire amour quelle défie ;
Tes seins de corail rose, Olga,
Sont l'alpha et l'oméga ;
La dernière est Daïcha,
Donnez votre langue au chat.
Le colonel bout dans sa cuve,
Ses filles font une ronde
Crevant les nuées de l'étuve
Du feu des cinq nattes blondes
Et voici que les bouleaux
Entre leurs mains reverdissent
Et chacune est un bourreau
Qui se dédie au supplice
Et voici que les bouleaux
Sur leurs têtes refleurissent.
Le colonel et ses cinq filles
Vont le dimanche à l'Opéra
Pour voir danser la séguedille,
La bourrée et la cacucha ;
Le colonel et ses cinq filles
Tous les matins font leur prière
Et Dieu les trouve si gentilles
Qu'il n'entend pas leur vieux père.
Un soir, des gens mal mis vinrent à la maison
Le colonel est en prison.
Les fesses de Nadège
Se fondent dans la neige ;
Au nombril de Nadine
Le froid d'une carabine ;
Sophie au ventre nacrè,
Les amours morts sont sacrées !
Sous la roue des télégas*
Tes seins de corail, Olga !
La dernière est Daïcha,
La noyée qu'on repêcha
Et voici que les bouleaux
Sur leurs tombes refleurissent
Et l'on tient dans nos bureaux
Le registre des supplices...
* Chariot d'attelage à quatre roues
Au bain s'en vont tous les mardis
Des dix menottes qui l'étrillent
Le vieux sort tout ragaillardi.
Les fesses de Nadège
Sont deux boules de neige,
Le nombril de Nadine
Frémit ainsi qu'une clarine ;
Au ventre nacré de Sophie
Se mire amour quelle défie ;
Tes seins de corail rose, Olga,
Sont l'alpha et l'oméga ;
La dernière est Daïcha,
Donnez votre langue au chat.
Le colonel bout dans sa cuve,
Ses filles font une ronde
Crevant les nuées de l'étuve
Du feu des cinq nattes blondes
Et voici que les bouleaux
Entre leurs mains reverdissent
Et chacune est un bourreau
Qui se dédie au supplice
Et voici que les bouleaux
Sur leurs têtes refleurissent.
Le colonel et ses cinq filles
Vont le dimanche à l'Opéra
Pour voir danser la séguedille,
La bourrée et la cacucha ;
Le colonel et ses cinq filles
Tous les matins font leur prière
Et Dieu les trouve si gentilles
Qu'il n'entend pas leur vieux père.
Un soir, des gens mal mis vinrent à la maison
Le colonel est en prison.
Les fesses de Nadège
Se fondent dans la neige ;
Au nombril de Nadine
Le froid d'une carabine ;
Sophie au ventre nacrè,
Les amours morts sont sacrées !
Sous la roue des télégas*
Tes seins de corail, Olga !
La dernière est Daïcha,
La noyée qu'on repêcha
Et voici que les bouleaux
Sur leurs tombes refleurissent
Et l'on tient dans nos bureaux
Le registre des supplices...
* Chariot d'attelage à quatre roues
© Perles Zygotes
André Salmon (1881 – 1969) - Extrait de Prikaz, long poème écrit en quelques semaines pendant la révolution russe d'octobre 1917. Prikaz signifie "Décret". Éditions de La Sirène 1919, réédition Forgotten Books 2013, pp. 26-27.