Elle ôte en s'étirant sa robe et, virginale,
Près du miroir, défait la gerbe des cheveux.
La coupe de cristal sonne de son opale...
Le sein n'est pas formé, le cou n'est pas nerveux.
Toute la pureté de la chair et de l'âme
Emplit comme un parfum ce décor rose et bleu.
L'air est léger et doux, le feu jette des flammes...
Elle sent son corps chaud sous son peignoir soyeux.
L'intime solitude et le tiède silence
De leur sécurité lui grisent le cerveau.
Elle a le sentiment pourtant d'une présence.
Elle ferme la porte et croise les rideaux.
Et comme elle pénètre entre les draps où l'ambre
Monte subtilement des oreillers brodés,
Il semble qu'un souvenir tressaille dans la chambre...
Elle écoute, le front sur le bras accoudé.
Ce n'est rien. Elle éteint la lumière. Une haleine
Étrange, de la nuque aux talons la parcourt,
Et voilà, que soudain pour elle l'ombre est pleine
De souvenirs pervers et d'images d'amour.
Elle veut les chasser, mais toutes les racines
Des duvets de sa peau frémissent en brûlant.
Les draps bougent. Près d'elle une longue main fine
A pris son torse et la caresse en la frôlant.
Elle allume. Elle a peur. Mais non, le lit est vide.
Elle ferme les yeux pour dormir, mais alors
Elle sent sur sa bouche une autre bouche avide,
Qui la savoure ainsi qu'un fruit à pulpe d'or.
Et c'est un corps humain qui près d'elle se glisse,
Dont la forme et l'odeur lui font bondir le sang.
Elle se laisse aller à ce nouveau délice
De croire être blottie entre des bras absents...
Mais ce n'est pas un songe, ô Seigneur ! Une forme
Est bien là qui la tient fortement par le cou,
Une puissance d'homme, une carrure énorme
Qui la meurtrit avec les os de ses genoux.
Elle ne pourrait plus s'échapper et du reste
Ne le veut plus. Le lit est splendide et fatal.
Elle flambe à présent des flammes de l'inceste
Contre le compagnon fantastique et brutal.
La tendre jeune fille au beau visage pâle
N'est plus qu'un être de plaisir entre des bras,
Une bête agrippée au lit, une cavale
Qu'un chevaucheur sans nom fait courir sur les draps.
« O bien-aimé nocturne et terrible demeure !
Par ton large baiser mon-visage est mangé.
Enivrons-nous encor du délire des heures
Au creux de ce torrent qu'est le lit ravagé... »
Mais l'aurore apparaît aux carreaux. elle éclaire
Le linge déchiré, l'empreinte, la sueur,
La trace des doigts durs, le bistre des paupières
Et la chambre déserte. Il fait froid... Le feu meurt...
« Quel est l'étre, ô Seigneur, sans âme et sans figure,
Qui dans mon lit de vierge a cette nuit, couché ?
Pourquoi suis-je à présent si souillée et si pure ?
Je connais le plaisir infini du péché... »
Près du miroir, défait la gerbe des cheveux.
La coupe de cristal sonne de son opale...
Le sein n'est pas formé, le cou n'est pas nerveux.
Toute la pureté de la chair et de l'âme
Emplit comme un parfum ce décor rose et bleu.
L'air est léger et doux, le feu jette des flammes...
Elle sent son corps chaud sous son peignoir soyeux.
L'intime solitude et le tiède silence
De leur sécurité lui grisent le cerveau.
Elle a le sentiment pourtant d'une présence.
Elle ferme la porte et croise les rideaux.
Et comme elle pénètre entre les draps où l'ambre
Monte subtilement des oreillers brodés,
Il semble qu'un souvenir tressaille dans la chambre...
Elle écoute, le front sur le bras accoudé.
Ce n'est rien. Elle éteint la lumière. Une haleine
Étrange, de la nuque aux talons la parcourt,
Et voilà, que soudain pour elle l'ombre est pleine
De souvenirs pervers et d'images d'amour.
Elle veut les chasser, mais toutes les racines
Des duvets de sa peau frémissent en brûlant.
Les draps bougent. Près d'elle une longue main fine
A pris son torse et la caresse en la frôlant.
Elle allume. Elle a peur. Mais non, le lit est vide.
Elle ferme les yeux pour dormir, mais alors
Elle sent sur sa bouche une autre bouche avide,
Qui la savoure ainsi qu'un fruit à pulpe d'or.
Et c'est un corps humain qui près d'elle se glisse,
Dont la forme et l'odeur lui font bondir le sang.
Elle se laisse aller à ce nouveau délice
De croire être blottie entre des bras absents...
Mais ce n'est pas un songe, ô Seigneur ! Une forme
Est bien là qui la tient fortement par le cou,
Une puissance d'homme, une carrure énorme
Qui la meurtrit avec les os de ses genoux.
Elle ne pourrait plus s'échapper et du reste
Ne le veut plus. Le lit est splendide et fatal.
Elle flambe à présent des flammes de l'inceste
Contre le compagnon fantastique et brutal.
La tendre jeune fille au beau visage pâle
N'est plus qu'un être de plaisir entre des bras,
Une bête agrippée au lit, une cavale
Qu'un chevaucheur sans nom fait courir sur les draps.
« O bien-aimé nocturne et terrible demeure !
Par ton large baiser mon-visage est mangé.
Enivrons-nous encor du délire des heures
Au creux de ce torrent qu'est le lit ravagé... »
Mais l'aurore apparaît aux carreaux. elle éclaire
Le linge déchiré, l'empreinte, la sueur,
La trace des doigts durs, le bistre des paupières
Et la chambre déserte. Il fait froid... Le feu meurt...
« Quel est l'étre, ô Seigneur, sans âme et sans figure,
Qui dans mon lit de vierge a cette nuit, couché ?
Pourquoi suis-je à présent si souillée et si pure ?
Je connais le plaisir infini du péché... »
© Maurice Magre
in La montée aux enfers (Ed. E. Fasquelle, 1918)
in La montée aux enfers (Ed. E. Fasquelle, 1918)