La dame qui a un ami,
C’est le puits et la corde
La fourmilière et la fourmi ;
C’est un arc qu’on encorde.
C’est la vertenelle et le gond,
La cognée emmanchée,
C’est la tête et le motion,
La poêle bien hochée.
C’est quelque ouvrage de noyer
Que sans cesse on rabote,
Ce sont des bottes d’écuyer
Que chacun jour on frotte.
Ce sont les accords les plus doux
De toute la musique,
Et c’est quelque coursier fougoux
Que l’on dresse et qu’on pique.
C’est un petit manchon fourré
Où notre chat se joue,
C’est un arbre au pied labouré
Que sans cesse on secoue.
C’est un connin qu’on va chassant
Au fond de la garenne,
C’est un mur où l’on va pissant,
Un moulin qu’on engraine.
C’est un huis garni de courreaux,
C’est un écu qu’on perce,
C’est un casque fait à barreaux
Qu’une lance traverse.
C’est un pot avec sa cuiller,
C’est l’étang et la bonde,
C’est l’aiguille et son aiguiller,
C’est la playe qu’on sonde.
C’est un fourneau à deux soufflets,
Une enclume où l’on forge,
Ua râtelier à pistolets,
Un lieu où l’on rend gorge.
C’est la chapelle et l’alambic,
Le ballon qu’on seringue,
C’est le trou où niche le pic
Et la dame qu’on fringue.
C’est le concierge et le palais,
L’huissier et la baguette,
C’est le crocheteur et le faix,
Le Suisse et sa braguette.
C’est un chandelier bien luisant
Fourni de sa chandelle,
Et c’est la cage et le faisan,
La gaine et l’alumelle.
C’est la bouteille et l’entonnoir,
C’est le fouet et la trompe,
Le maréchal et le boutoir,
Le navire et la pompe.
C’est un haut-de-chausse percé
Qu’on ravaude et ragence,
C’est un champ toujours bien hersé,
C’est la bague et la lance.
C’est un mulet qu’on va sanglant,
Un rat qu’un chat étrangle :
Prêtez, belle, votre devant,
Afin que l’on vous sangle.
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cité in Eros émerveillé (Zéno Bianu, Ed. Gallimard, 2012) - p. 39 à 41