Les Fiancés de Treize ans
Raymond Radiguet
Avec la pointe du canif
(Il ouvre non moins aisément
La coquille chère aux amants
Qu'un nom s'imprime en l'arbrisseau
Ou l'amour dans les coeurs naïfs)
Avec la pointe du canif
Aiderons-nous Vénus à naître ?
L'oursin du désir se hérisse.
À quoi servira ce trousseau,
De Vénus naïve nourrice ?
Débordante, écume, de lait
Par toi comme plages ourlé :
Nulle robe ne peut soumettre
Celle qui, puérile nue,
Dans un coquillage vécut
En attendant le jour de naître.
Rendez-vous au prochain été.
Patience ! la mer nous attend...
Au bout de cette année scolaire
Les replis de sa vaste ombrelle
Sauront nos amours abriter
De la maternelle colère.
Mais toi tu nous comprends, Vénus,
Chère folle, toi qui déjeunes
De soleil et de lune dînes,
Mis à l'école des ondines
On nous apprend à rester jeunes,
À nous qui voudrions vieillir !
À la dînette de la vie
À peine mis notre couvert,
Peureuse d'être découverts
Par la nourrice de son frère
(De sa mère le préféré :
Dernier venu c'est le premier,
Aussi bien tu le sais, Vénus)
Comme oursin peureux se hérisse
La naïve à qui l'on défend
De mettre un pantalon ouvert.
- Tu vas me trouver bien enfant,
Ondine, si je te demande
De me prêter un des canifs
Qui semblent furtives sardines
Ouvrant le fruit des mers gourmandes.
En échange de ton canif
D'argent, ondine, je dédie
À tes soeurs et à toi l'écorce
Dont je ne sus venir à bout,
Assis, couché ou bien debout,
Trahi par mes naïves forces.
Pourpre ciel entrouvert ! Grenade
Un bon conseil puisque tu daignes
Aphrodite me faire faire
Le grand tour du propriétaire
Vénus parmi les promenades
En tricycle dans tes domaines
Que la mer rouge ne te teigne,
La douleur en une grenade
Changeant la naïve châtaigne.
(Il ouvre non moins aisément
La coquille chère aux amants
Qu'un nom s'imprime en l'arbrisseau
Ou l'amour dans les coeurs naïfs)
Avec la pointe du canif
Aiderons-nous Vénus à naître ?
L'oursin du désir se hérisse.
À quoi servira ce trousseau,
De Vénus naïve nourrice ?
Débordante, écume, de lait
Par toi comme plages ourlé :
Nulle robe ne peut soumettre
Celle qui, puérile nue,
Dans un coquillage vécut
En attendant le jour de naître.
Rendez-vous au prochain été.
Patience ! la mer nous attend...
Au bout de cette année scolaire
Les replis de sa vaste ombrelle
Sauront nos amours abriter
De la maternelle colère.
Mais toi tu nous comprends, Vénus,
Chère folle, toi qui déjeunes
De soleil et de lune dînes,
Mis à l'école des ondines
On nous apprend à rester jeunes,
À nous qui voudrions vieillir !
À la dînette de la vie
À peine mis notre couvert,
Peureuse d'être découverts
Par la nourrice de son frère
(De sa mère le préféré :
Dernier venu c'est le premier,
Aussi bien tu le sais, Vénus)
Comme oursin peureux se hérisse
La naïve à qui l'on défend
De mettre un pantalon ouvert.
- Tu vas me trouver bien enfant,
Ondine, si je te demande
De me prêter un des canifs
Qui semblent furtives sardines
Ouvrant le fruit des mers gourmandes.
En échange de ton canif
D'argent, ondine, je dédie
À tes soeurs et à toi l'écorce
Dont je ne sus venir à bout,
Assis, couché ou bien debout,
Trahi par mes naïves forces.
Pourpre ciel entrouvert ! Grenade
Un bon conseil puisque tu daignes
Aphrodite me faire faire
Le grand tour du propriétaire
Vénus parmi les promenades
En tricycle dans tes domaines
Que la mer rouge ne te teigne,
La douleur en une grenade
Changeant la naïve châtaigne.
© Raymond Radiguet
in Vers libres (1925)
publié une première fois dans la revue L'oeuf dur (n°7) en février 1922