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Les deux soeurs ou le cas de conscience

Pierre Jean Béranger

Zoé, de votre sœur cadette,
Que voulez-vous entre deux draps ?
Que sans chemise je me mette ?
Fi ! ma sœur, vous n'y pensez pas.
Mais à vos fins vous voilà parvenue,
Et vous baisez ma gorge nue ;
Vous me tiraillez,
Vous me chatouillez,
M'émoustillez ;
Mais au fond ce n'est rien,
Je le sens bien ;
Mais au fond ce n'est rien.

Pour vous en prendre à notre sexe,
Avez-vous mis l'autre aux abois ?
C'est peu que votre main me vexe,
Vous usez pour vous de mes doigts :
La tête aux pieds la voilà qui se couche ;
Ciel ! où mettez-vous votre bouche ?
Ah ! pour une sœur ,
Quelle noirceur !
Quelle douceur !
Mais au fond....

Rougirions-nous ? je le demande,
Si nos amants pouvaient nous voir ?
Pourtant il faut que je vous rende
Le plaisir que je viens d'avoir.
Je m'enhardis ; car jamais, que je ne sache,
Je n'ai baisé d'homme à moustache.
Ah ! nous jouissons
Et des garçons
Nous nous passons.
Mais au fond...

Ne croyez pas que je contracte
Ce goût déjà trop répandu,
C'est bon pour amuser l'entr'acte
Quand le grand acteur est rendu.
Ce que je crains, ô sœur trop immodeste,
C'est d'avoir commis un inceste ;
Peut-être est-ce un cas
Dont nos prélats
Ne parlent pas
Car au fond ce n'est rien,
Je le sens bien ;
Car au fond ce n'est rien.

 

*

 

Sur le même thème : Les soeurs incestueuses (Pierre Louys)

 

 

in Chansons Galantes (1834 - Rééd. Paul Cotinaud de 1937)