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Un libertin de qualité,
Ministre à Versailles, cité
Pour sa passion protectrice
Des talents et de la beauté,
Protégeait une jeune actrice
chez elle, du matin au soir
(La nuit n'était pas son office),
Il avait pu surprendre et voir
Les mille secrets, l'artifice
De la toilette et du boudoir,
Du théâtre et de la coulisse :
Faux cheveux, faux teint, faux joyaux,
Beaux masques pour tous les défauts,
Postiches de tout nature,
De cet arsenal si complet,
Il avait fait, dans maint couplet,
La piquante nomenclature,
Quand il s'aperçut, à la fin,
Qu'il y manquait certain engin
Dont le solitaire exercice
Peut soulager mainte novice.
Donc il s'en vient un beau matin
Présenter à sa demoiselle
Un parapilla (1) grand modèle,
Par Vaucanson (2) même inventé
En lui disant : - Ma toute belle,
A l'image de la beauté
J'offre, pour orner sa chapelle,
L'image de la volupté.
Il croyait, par cet épigramme,
Interloquer la jeune femme,
Qui le prenant au sérieux,
Sur le charmant joujou s'élance,
En fait l'essai délicieux,
S'agite et se pâme à ses yeux...
Puis, enfin, rompant le silence,
S'écrie avec naïveté :
- Je rends grâce à votre Excellence ;
En effet, cette ressemblance
Vaut mieux que la réalité.
Qui fut penaud ? Mon gentilhomme.
S'en facha-t-il ? Oh ! que non pas.
Au contraire, et c'était le cas,
Il mit l'hisoire en couplets, comme
Sait les faire Maurepas. (3)


(1) référence à une oeuvre de Charles Bordes en 1776, où "parapilla" désigne le sexe masculin
(2) Jacques de Vaucanson (1709-1782), inventeur connu pour avoir tenté de reproduire mécaniquement les principales fonctions de l’organisme humain sur des automates
(3) référence au Comte De Maurepas (1701-1781), homme politique versaillais
cité in Contes & conteurs gaillards au 18è siècle, recueil de pièces rares ou inédites réunies par Adolphe Van Bever (Ed. Daragon, 1906)