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L'autre jour, la jeune Lisette,
Aussi simple que son mouton,
Quoiqu'elle eût la mine coquette
Et le regard un peu fripon,
A son amant aussi sot qu'elle,
Et le plus sot de l'univers,
Disait: Qu'est-ce que l'on appelle
Berger, voir la feuille à l'envers ?

Tout autre qu'un pareil Jocrisse
Aurait saisi l'occasion
De montrer à cette novice
Ce qu'on entend par ce dicton.
Lui, pour y ruminer, s'arrête
Et lui dit: Sous ces arbres verts,
Tiens, comme moi, lève la tête,
Tu verras la feuille à l'envers.

Lisette, se sentant émue,
Lui dit: Berger, reposons-nous,
Et sur le dos tout étendue,
Lançait les regards les plus doux.
Quelle agréable solitude!
Que ces bosquets sont bien couverts,
Dit-elle; ah! qu'en cette attitude
On voit bien la feuille à l'envers !

Essayons, dit-il à sa belle,
Et tout aussitôt le nigaud
Se met sur le dos auprès d'elle,
S'amuse à regarder en haut.
Amants, quand, près d'une bergère,
Tant de plaisirs vous sont offerts,
Vos yeux doivent voir la fougère
Et les siens la feuille à l'envers.
cité in La poésie érotique - Anthologie de Marcel Béalu (Ed. Seghers, 1974 - p.174)