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Sur deux filles couchées ensemble. L'une faisant le garçon et parlant à sa compagne
 
Depuis cet heureux jour que vous futes ma femme,
Et que l'amour conclut un hymen entre nous,
Je sens je ne sais quoi dans l'âme
Qui me fait soupirer comme un mari jaloux.

 

Mais, charmante beauté dont mon âme est ravie,
En goûtant les plaisirs d'un commerce innocent,
Qu'il ne vous prenne point envie
De vous plaindre de moi comme d'un impuissant.

 

Si vous ne recevez qu'une joie imparfaite,
Je sais former des vœux pour vos charmans appas,
Et pour vous rendre satisfaite,
Je voudrais bien avoir ce que vous n'avez pas.

 

En esprit, en attraits, en mérite, en naissance,
Il est bon avec vous d'avoir tous ces rapports,
Ici le trop de ressemblance
Arrête nos desseins, et nos plus doux transports.

 

Pour trop vous ressembler, bien souhait je murmure 
Ressembler car pour combler de biens notre société,
Il eut fallu que la Nature
Eut mis entre nous deux quelque inégalité.

 

Privez de doux plaisirs que l'Hymen se propose,
Nous allons endurer un tourment sans égal ;
Et sans une métamorphose,
Ma foi, je ne voy point de remède à ce mal. 
in La Toilette galante de l'Amour (1670)