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Quatre heures du matin ! L'aube rose et violâtre
Filtre sournoisement par les vitraux du bar
Et, peu à peu, voici que paraît plus blafard
L'éclairage diffus des plafonniers d'albâtre.

Dans la moiteur de l'air flotte une odeur douceâtre :
Alcools, poudre de riz, oeillets fanés, pommard,
Effluves féminins et relants de homard !
Le jazz, pour terminer, joue un fox-trot folâtre.

Nue, à même la nappe et les serviettes sales,
Une fille est couchée au milieu de la salle,
Tandis qu'aux gloussements joyeux de ses compagnes

Un américain glabre aux lunettes d'écaille,
Flegmatique, introduit dans l'impudique faille
Des dollars ruisselants pêchés dans du champagne !
© Pierre Alberty
in Le Jardin d'Eros (Éd. Le Dessus du Panier, 1928)