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Ton corps d’éphèbe, ô femme...

Théodore Hannon
Ton corps d’éphèbe, ô femme vraie,
Affole tous mes sens troublés
Avec ses allures d’ivraie
Que le vent ploie au cœur des blés.

J’aime son ostéologie
Où s’insèrent des nerfs d’acier
Et des muscles dont l’énergie
Ferait envie au carnassier !

Alléchante minceur du buste
Qui semble celui d’un enfant…
Or, comme un jonc preste et robuste
Il se redresse triomphant,

Il se cambre en ses clavicules
Et sa poitrine a pour fleurons
Deux seins aiguisés, - minuscules
Comme la pointe des citrons !

Vers toi montent, ô ma garçonne,
Tous mes rêves mauvais sujets
Car ta prunelle désarçonne
Les plus orthodoxes projets.

S’il fallait, ma folle, ma sage,
Qu’un nouvel Adam se perdît,
Le vieux serpent dans ton corsage
Cueillerait le fruit interdit !

Du grand vice la flamme éclaire
Des longs yeux indisciplinés
Et les sept péchés, pour me plaire,
En toi se sont enracinés.

Chez les Grecs ta forme inédite
Eut tenté maint fier pétrisseur,
Corps païen que l’Hermaphrodite
Choisirait pour frère – ou pour sœur !

Fi de la graisse lourde et veule
Aux sédiments envahisseurs !
Fi de la graisse ! la bégueule
Etouffe les contours osseurs.

Elle émousserait tous les angles,
Honneur de ton corps tant fêté,
Maigreurs dans lesquelles tu sangles
Pittoresquement ta beauté.

Le flot débordant et rebelle
Nivellerait des creux bien chers
Aux baisers dont la ribambelle
Vient papillonner sur tes chairs.

(…)

Enfin, sur ta virile hanche,
Ta poitrine au sceau virginal
Et ta gorge, idéale planche,
Iraient s’enfler du sein banal.

Reste maigre, ô ma maigrelette !
Conserve à mon culte d’ancien
Cette élégance de squelette
Où chaque sexe a mis du sien.
Extrait - in Rimes de Joie (1882)