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Sans pitié empoigné et secoué,
Ton corps implore, délire et gémit
Sous le haut voltage de l'agonie
Par mes doigts et mes lèvres généré.

Vers quel de tes abîmes redoutés
Et suaves ta chair s'élance et dévie ?
Qu'est-ce qui la déchire, comble et défie
Et l'agite comme un dieu insensé ?

Rien hormis la chair ne rêve et ne pense ;
Seul le sens vit, caché dans son frisson
Et son poids, avec l'aventure immense

Nommée l'esprit, et pour cette raison
L'anxiété où tu t'es précipitée
Sans rugir ne cède à la Vérité.

(Trad. Thomas Bagère)

*

Sans aucune pitié empoigné et secoué,
Ton corps en gémissant, en implorant divague
Soumis à l'agonie du plus haut des voltages
Que mes lèvres et mes doigts lui ont communiqué.

Vers quel abîme de toi, doux et redouté,
Ta chair se précipite-t-elle et se dévie ?
Qu'est-ce qui la déchire, et la comble, et défie
L'agite comme un dieu par la folie troublé ?

Hors la chair il n'est rien qui ne pense ou ne rêve ;
C'est au plus profond de son poids et de sa fièvre
Que peut vivre le sens, et l'aventure immense

Que nous appelons l'esprit, et c'est pour cela
Que ne peut le désir qui t'a pris dans ses lacs
Trouver la Vérité sans un rugissement.

(Trad. Bernard Sicot)
© Tomás Segovia
"Sin piedad empunado y sacudido". in Noticia natural (1992)