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Le petit fils d'Œdipe

Georges Brassens

Papa m’envoie quérir cent sous de mortadelle
Empochant la monnaie, moi je file au bordel


« Où vas-tu mon garçon de cette allur’ fougueuse ? »
Me lance Grand’maman. « Je vais courir la gueuse »

 

« Il est inconvenant de fréquenter les putes
Tu m’en donnes la moitié, juste et tu me culbutes ».

 

« Quoique j’atteigne hélas un âge canonique
À bien des jeun’s au pieu je fais encor’ la nique »

 

« D’abord ça te permet quelques économies
Et puis le patrimoin’ sort pas de la famille »

 

J’tends mes deux francs cinquante à cette bonne vieille
Ce fut un’ bonn’ affaire, elle baisait à merveille.

 

Le père à mon retour, me demande : «  Où est elle ? »
Le bâfreur attendait son bout de mortadelle.

 

En voyant la portion que je mis sur la table
L’auteur de mes jours poussa des cris épouvantables.

 

Il parlait de botter dans la région fessière
Cell’ qui n’en pouvait mais, la gente saucissière.

 

Il ouvrit un museau de carpe suffocante
Quand il connut l’emploi de mes deux francs cinquante.

 

«  T’as baisé ma maman, petit énergumène. »
«  T’avais qu’à commencer par pas baiser la mienne. »

 

Mon argumentation vous lui coupa la chique.
Les français ne résistent pas à la logique.

 

Depuis, bibliquement, jusqu’à ce qu’elle rende l’âme
Je connais ma grand’mère et baste à qui me blâme.

 

Quand la hausse des cours devient extravagante
Mémé bloque son prix : toujours deux francs cinquante.

 

Mais si mon père est pris d’un’ fringal’ de saucisse
Il va l’ach’ter lui même, excellent exercice !

 

Du coup, j’ai plus d’argent, de peur que je n’en vole
Grand’mère m’accorde alors ses faveurs bénévoles.

 

Pour qu’la morale soit sauve et qu’la chanson finisse
Je baise grand’mère à l’œil, le bon dieu la bénisse !

© Georges Brassens
inédit, interprété par Martial Duclos, 2021