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Complainte de l'écorché

Laurent Tailhade
Je me suis t'écorché
Pour l'amour d'une bitte
Je me suis t'écorché
Contre un garçon boucher
Qu'avait un gros morceau
Et moi j'étais puceau.
Sa pine sentait bon,
Une odeur de fromage,
Sa pine sentait bon,
On eût dit du bonbon.
C'est pourquoi je bandais
Comme plusieurs baudets.
Au premier coup, portant,
Il me l'a foutu dans le mille,
C'en était épatant ;
Puis il a tant poussé
Que je suis défoncé
Depuis cet accident
Je perds toutes mes légumes ;
Depuis cet accident
On me touve emmerdant
Et j'emploi mon pognon
A m'soigner l'troufignon.
Ainsi la graisse d'ours,
L'iode et la vaseline,
Ainsi la graisse d'ours
Couronnent mes amours :
Car, pour en vivre en beauté,
J'vis empapahuté.
Jeun's hommes aux beaux culs,
Soyez-en convaincus :
Rien ne fait tant de mal
Qu'un membre de cheval.
© Laurent Tailhade
in Poésies érotiques - Aux dépens de quelques amateurs (Ed. Simon Kra - 1922)