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Adieu de Céladon à Dorimène

Pierre Corneille Blessebois
Je ne saurais vous aller dire 
    Le bien que mon cœur vous désire, 
    Ni l'adieu de remerciement : 
    Je n'ai pas un petit moment, 
    Tant est cruel le destin qui m'inspire 
    Et qui m'ôte du monument 
    Que mon amour voudrait élire 
    Pour vous voir éternellement. 
    Vous m'allez appeler barbare, 
    Dans l'excès de votre dépit, 
    Mais quand Poquet vous aura dit 
La cruelle raison qui de vous me sépare, 
    Vous me plaindrez, mon adorable phare, 
    Sans me juger indignne du crédit 
    Qu'eut chez vous mon fidèle vit 
    Au reste, je vous recommande 
    Le triste et l'affligé Poquet ; 
    Jouez souvent au bilboquet 
    Et grossissez tous les jours votre bande.
N'allez pas sottement, l'un de l'autre jaloux, 
    A l'exemple de quelques fous. 
Vous piquer de constance où le change a des charmes ; 
Sur maints objets divers laissez faire vos armes ; 
    Mais en faveur de notre liaison, 
    Que ce soit toujours en prison
    Où vous bandiez comme des carmes.
in Le rut ou la pudeur éteinte (1676)
p. 119-120 de l'édition Civilisation nouvelle de 1970 "Le Zombi du grand Pérou et autres oeuvres érotiques"