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Je suis celle qui branle ! Au détour des sentiers
Où raccrochent les bras aigus des églantiers,
Dans les bois amoureux de Meudon et de Sèvres,
Quand la pine et le cœur vont demander aux lèvres
Les baisers, fils du ciel, qui charment nos ennuis,
Moi, j'attends les michés au passage. Je suis
Petite, j'ai douze ans, et mes doigts sont alertes.

Je suis celle qui branle ! Entre les plus expertes
De celles dont les doigts vont, des couilles au gland,
Se promener d'un pas rapide et nonchalant,
On me cite, et les dieux m'ont donné les mains douces
Par qui le temps n'est plus de ces rudes secousses
Qui mettaient tant de fiel dans l'âme de Ponsard* !
Comme des papillons, mes doigts vont au hasard
Des vits énamourés que le soleil relève.
O mystères ! l'un est recourbé comme un glaive ;
L'autre est droit ; un troisième est gros et rond. Autour
De plus d'un, j'ai pu voir toute une basse-cour
De morpions grouiller, qui, bêtes innocentes,
Bombaient leur dos velu sous mes mains caressantes.

Je suis celle qui branle ! Et cependant parfois,
Quand je vois, comme au temps où la sève des bois
Monte et bouillonne et perle à la pointe des branches,
Jaillir des nœuds pressés le foutre en larmes blanches,
Je songe que l'un d'eux, marqué du sceau fatal,
Pénétrera demain dans mon con virginal.

 

* référence à un vers de François Ponsard dans Le Lion amoureux (1866) : " Soit, mais le temps n'est plus de ces rudes secousses / Notre œuvre est achevée et veut des mains plus douces."

 

in Joyeusetés galantes et autres du vidame Bonaventure de la Braguette (1866)