Partager |
Je veux, sur ta chair opulente,
Masse de blancheur,
M'étaler, ainsi qu'un nageur
Sur la mer tremblante ;

Car ton ventre, tes seins élus
Par mon désir vague,
M'apparaissent comme la vague
A l'heure du flux.

Cela monte, descend et monte,
Et puis redescend,
Ainsi que le flot rugissant
Et que rien ne dompte !

Couché sur ton corps, ton amant
Peut croire qu'il plonge
Pêcher le corail et l'éponge,
Tout en s'endormant.

Pour l'entretenir dans ce rêve,
Tes seins tourmentés
Ont l'odeur et les âcretés
D'une ardente grève ;

Ce parfum rude et singulier
Et qu'aussi recèle
Ta fauve et broussailleuse aisselle,
Ne peut s'oublier.

Il me prend à la gorge, et grise
Comme du poison,
Et chancelante, ma raison
Y reste surprise.

Va, que ton corps tempétueux
Saute et se courrouce !
Sa fureur me semblera douce
Et, fermant les yeux,

Je m'étendrais, pour que tu puisses
M'engloutir au fond
De l'abîme humide et profond
De tes fortes cuisses.

Je sens couler tes pleurs ardents
Sur mon front qui fume,
Ta salive en suave écume
Arrive à mes dents.
in Joyeusetés galantes et autres du vidame Bonaventure de la Braguette (1866)