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Ma mère m'a dit la honte qu'il y avait
de me trouver toute nue
devant un homme tout autant dévêtu.
Quand elle découvrit mes incartades,
mon coeur battit la chamade,
triste que j'étais
alors que le printemps chantait
de voir venir l'orage,
le tonnerre et la foudre maternels
de celle dont j'avais tété les mamelles.

Ma mère, comprends-moi,
l'école m'a appris la philosophie,
la littérature, la grecque et la latine
Ovide, Bilitis, Freud
sont venus bouleverser tes enseignements
et j'ai bien vite découvert
que je n'avais pas souffert
du complexe d'Oedipe
J'ai tout de suite préféré
un amant bien membré
Que Dieu me pardonne
(excuse-moi d'y mêler sa personne)
Mais je ne peux m'empêcher
de beaucoup aimer

À ma grande stupeur
ma mère m'a dit :
"Mon enfant très chérie, je n'avais fait
que répéter ce que disait ta grand-mère,
femme pieuse pour qui les plaisirs de la chair
conduisaient tout droit en enfer.
J'ai lu Freud tout comme toi
et tu me vois charmée
de n'avoir pas enfanté une refoulée !"

    Mon dieu ma mère !
    Mon dieu ma mère !
Par Jupiter et par tous les saints
Je ne m'attendais pas à être félicitée
pour mes écarts sexuels
et mes piètres romans d'amour
dont je n'apprécie pas toujours
l'univers artificiel !
Mais en te sautant au cou
Je te crie ma mère :
"T'es vraiment dans le coup !"
© Michelle Meyer
in Nouvelle Bilitis (Ed. Prospective 21, 1979)