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La pâleur de Pierrot

Louis Perceau

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Pierrot ne chante plus sa complainte amoureuse
Et ses doigts fatigués ont lâché l'instrument ;
Il gît dans un fauteuil, étendu mollement,
Sur le balcon baigné par la nuit langoureuse.

Entre ses deux genoux, l'amante dangeureuse,
Papillon butineur, aspire avidement
Le suc de volupté qui gicle brusquement
Sous les savants baisers de sa bouche fiévreuse.

Pour la troisième fois le flot s'est épanché
En longs jets saccadés, sans avoir étanché
L'inextinguible soif qui meut l'ardente langue,

Qui la fait s'acharner en baisers plus hardis...
Voilà pourquoi Pierrot montre un visage exsangue
Que mangent deux yeux noirs par le cerne agrandis.

© Louis Perceau
in Douze sonnets lascifs pour accompagner la suite d'aquarelles de Madame Gerda Wegener intitulée Les Délassements d'Eros
(Ed. Erotopolis -1925 , à l'enseigne du Faune)