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Chaque feuille de l’arbre est un poisson vivant
Chaque mot frétillant sous ma tempe un oiseau
Un oiseau chante aussi clef de voûte à tes cuisses
Mon désir y rêvant se fait poisson volant

Mariouchka mon chat sauvage
Mon doux renard roux ma tourterelle
Bête à Bon dieu mon ouazelle
Mon pain au laid mon arbre en choeur

Trésor et beauté du monde
Mon tout ma vie ma douceur
Chatte ma brebis ma soeur
Mon agnelle toute blonde

Lisse comme un oeuf dur
Frais sorti de sa coque
Souple comme un goujon
Dur comme un bourgeon
Et belle à fendre l’âme
Toi fendue où il faut
Pour être sans défaut

Je t’aime à l’endroit à l’envers
En long en large en profondeur
À tout instant je perds mon coeur
Au creux que tu creuses dans l’air

Tes genoux versent le miel
De la terre et son langage
Tes mains sont des coquillages
Qui contiennent tout le ciel

Et ton sein nu
Au bout revêche
Comme la pêche
Qu’on nomme Téton de Vénus

O merci de m’avoir donné
Mon Dieu des mains pour la toucher
Une bouche pour la baiser
Et des yeux pour la regarder

Je l’aime tant je l’aime tant
Que l’instant emporte le temps
Je n’ai plus que le souci d’elle
Mon amour me donne des ailes
Mon amour m’attache au présent
© Marcel Béalu
in L’air de la vie (1958)