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Toutes les femmes en toi

Luc Bérimont
Je crois que tu es à la fois ma mère, ma femme, mon enfant
Ma femme au parfum de nuit nue, de plante douce, de jacinthe
Ma mère et son sang fracessé, - fracturé pour me mettre au jour -
Ton sang de fille de vingt ans qui s'ouvre aux fusées du plaisir
Car nous sommes nés face au sang : toi par moi, et moi dans ma mère
Et peut-être ma mère en toi lorsque tu naissais dans l'amour ;
Je t'ai donné tes yeux, ton cri, et ma mère m'a donné l'être
Entre ces deux sangs je me fuis
Pareil à une barque d'os sur le fleuve grondant des jours.
Je bute sur de vieux printemps irrigués à coups sourds de sève
Sait-on ce qui reste planté quand nous n'avons plus nos racines
Et de quels ventres déboités nous cherchons l'accès et le port
- Cette réversibilité, cette dépendance du souffle ?...


    Ma femme, mon enfant, mon sang
    Je veux que tu sois à la fois la fidélité, la débauche
    Un désert plein de peupliers
    Tous les contraires à bras-le-corps ;
    Je t'ai trouvée devant mon ciel, mêlée aux rousseurs des épices
    Que l'on ne cherche plus à me désespérer :
    Je tiens toutes les femmes en toi et n'en veux retrancher aucune.
© Luc Bérimont
in L'évidence même (1971)