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Hier, je pinçais de la guitare.
Mon cousin admirait ma main ;
Pour la baiser il s'en empare ;
Moi, je la retire soudain.
En fille sage et bien apprise,
J'ai toujours cet avis présent,
Qu'il faut, de peur d'une surprise,
Savoir se retirer avant.

Mon cousin fit un peu la moue;
Puis, en se levant brusquement,
Il m'appliqua sur chaque joue
Deux baisers un peu lestement
Je fis semblant d'être sévère
Et, sachant à propos rougir,
Je lui montrai de la colère
Afin de cacher mon plaisir.

On eût dit, à mon air farouche,
Que rien ne pouvait m'apaiser,
Lorsqu'Armand me ferme la bouche
En la couvrant d'un long baiser.
C'est bien à tort que l'on répète
Que notre sexe aime à jaser ;
Je resterais cent ans muette
Au prix d'un semblable baiser.

En jouant, mon fichu s'envole,
Et mon cousin, fort peu décent,
Reste tout debout et se colle
Sur deux jumeaux qui n'ont qu'un an.
De mon corps une douce flamme
Embrasa le plus petit coin ;
Je n'aurais pas cru, sur mon âme,
Qu'un baiser pût aller si loin.

Le soir, vêtue à la légère,
Et quoiqu'il fît un peu de vent,
Je m'endormis sur la fougère ;
J'y fus surprise par Armand.
Hélas ! dans ce lieu solitaire,
Le fripon, en déterminé,
Me donne un baiser où mon père
Ne m'en avait jamais donné.

Pour échapper au téméraire,
Le lendemain, dans le vallon,
Je dormis les yeux, contre terre
Et les deux mains dessus mon front.
Je ris en le voyant paraître
Et je crus son espoir déçu...
Il s'approche, il me prend, le traître !...
Par bonheur, je n'en ai rien vu.
cité in Choix de chansons galantes d'Autrefois (Paul Marion - 1911)