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6. Pour les vieux clients

Louis Protat
La Lebrun :

- Dans mon bordel souvent il vient beaucoup de vieux ;
Ce sont ceux-là d'ailleurs qui nous paient le mieux ;
Sais-tu par quels moyens, petite, on les amuse,
Et de quelle façon à leur égard on use ?

Flora :

- Le vieux, plus que le jeune aime à polissonner,
Parfois il lui suffit de voir, de patiner,
De poser sur la motte une brûlante lèvre,
Il satisfait ainsi son amoureuse fièvre.
Mais souvent, par malheur, tous ces attouchements
L'aspect de ces appas jeunes, frais et charmants,
Ces formes en tout sens longtemps regardées,
Dans son crâne embrasé font germer les idées ;
C'est en ce moment là, pour le mettre en état
Et pouvoir arriver à quelque résultat,
Qu'il faut de son métier connaître les roueries,
Et n'être pas novice en polissonneries.
Dans les bordels soignés, il est un instrument,
Qui pour un pareil cas, sert admirablement :
Ce sont tout simplement deux très fortes ficelles,
Qu'on noue en lui passant par-dessous les aisselles.
On le tient pendant quelques temps suspendu dans les airs :
Alors pour l'exciter et lui raidir les nerfs ;
Tantôt on fait glisser sur ses couilles pendantes
De la plume de paon les barbes irritantes ;
Tantôt avec le doigt fourré profondément
On cherche à stimuler les chairs du fondement ;
Des pieds on lui chatouille artistiquement la plante ;
On fait une omelette et dès qu'elle est brûlante,
On l'applique aussitôt sur son vieux cul ridé.
Si son vit impuissant n'a pas encor bandé
Malgré tous les moyens qui lui viennent en aide,
Comme à tous les grands maux, il faut un grand remède.
On saisit le bouquet de verges à deux mains :
On fustige le vieux sur la chûte des reins ;
La douleur qu'il éprouve est quelque fois bien grande ;
Mais il ne se plaint pas, il est heureux... il bande !
On le décroche alors, on le met sur un lit,
Pendant longtemps encore on lui branle le vit ;
A force d'agiter cet antique viscère,
On en tire à la fin quelques gouttes d'eau claire.
Il est vrai que ce corps par mille excès usé
Demeure anéanti, moulu, rompu, brisé ;
Qu'il est sans voix, sans souffle... et qu'un bon rhumatisme
Est fort souvent hélas ! le prix de son cynisme ;
Mais lorsque nous avons rempli notre devoir
Et fait de notre mieux, nous n'avons pas à voir
De quel mauvais côté retourne la médaille :
Qu'on amène un fiacre, et que le vieux s'en aille !
in Examen subi par Mlle Flora, à l'effet d'obtenir son diplôme de putain... (1846)