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Sous la branche de houx vert,
Attendant que tu paraisses,
Je fais mettre le couvert
Des baisers et des paresses.

Pour nous donner l'air frugal
N'ayons que des fruits, ma chère,
Mais tu verras quel regal
Et comme on fait bonne chère !

Pour fraises nous cueillerons
Tes deux lèvres que tu fronces.
Je trouverai des meurons (1)
Sur tes caprices pour ronces.

Le bigarreau (2) se promet
D'être à ton oreille un lobe.
La framboise est au sommet
De tes blancs tétins en globe.

Ces fruits qu'Avril adulait,
Mangeons-les sans défaillance
En les mêlant à du lait
Au fond des plats de faïence.

A l'ombre des frais noyers
Buvons le vin délectable.
Puis a midi, soûls, noyés,
Nous dormirons sous la table.

Et lorsque viendra le soir
Solennel qui nous assomme,
Balancer son encensoir
Sous le nex de notre somme,

Lors, sans vouloir écouter
Quoi que ce soit, quoi qu'on dise,
Recommençons un goûter
D'amoureuse gourmandise.


(1) mûres suisses
(2) cerise rouge et blanche
in Les Caresses (Ed. définitive de 1882)